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Les vins “Otsar Beth-Din”

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Nous allons dans l’exposé qui suit définir tout d’abord le concept de “Otsar Beth Din” et expliquer les bénéfices qu’il apporte. Nous poserons ensuite la question de savoir si cette pratique est acceptable pour les consommateurs Méhadrine et tenterons de dégager une conclusion. Enfin, nous verrons s’il est permis de sortir ces produits en dehors de la Terre Sainte et quelles sont les restrictions qui s’appliquent à leur utilisation.
 
Les vins portant la mention “Otsar Beth-Din”

Il arrive de trouver sur le marché français des bouteilles de vin kacher portant la mention « Otsar Beth-Din » à côté du logo kacher. Il s’agit bien sûr de vin de cheviîth qui a été produit pendant la septième année dite de Chemita.

Plusieurs questions se posent au consommateur :

  1. Que signifie le terme « Otsar Beth-Din » et en quoi consiste cette formule ?
  2. Ce vin est-il acceptable pour des consommateurs Méhadrine ?
  3. Ce vin a-t-il sa place dans les rayons d’un commerce situé en dehors d’Israël et est t’il permis de l’acheter ?
  4. Ce vin est-il soumis à des restrictions particulières ?

Que signifie la formule “Otsar Beth-Din” ?

Le concept de « Otsar Beth-Din » est mentionné une seule fois dans le Talmud, dans une Tossefta (texte de la période de la Michna) du Traité Cheviîth[1]. Il concerne l’ensemble des fruits produits pendant la septième année et non pas seulement les vins.

Voici comment la Tossefta décrit les faits : La septième année, le Beth-Din envoyait ses propres représentants pour faire la récolte dans les vergers et les vignes qui ont produits des fruits pendant l’année de Chemita. Les fruits récoltés étaient gardés en réserve (Otsar) dans des entrepôts placés sous l’autorité du Beth-Din. Ils étaient ensuite distribués au fur et à mesure à chacun selon ses besoins.

Cette pratique n’est jamais plus mentionnée dans la littérature talmudique. Le récit de cette Tossefta est cependant repris et commenté par un certain nombre de commentateurs et notamment le Rambane dans son commentaire sur la Tora[2] qui en dégage plusieurs principes fondamentaux concernant cette pratique.

En l’année de Chemita 1910, le Beth-Din de Jérusalem sous l’égide du Rav Haïm Berlin (fils du Nétsiv de Volozhyn) a pour la première fois réintroduit (à une modeste échelle) cette pratique en Terre Sainte. La nouveauté qui fut introduite alors était qu’il était permis au Beth-Din (et à ses représentants) de percevoir de l’argent de la part des récipiendaires au titre de participation aux frais[3]. À l’époque, cela a soulevé de nombreuses oppositions et il semble que l’expérience n’ait pas été reconduite les années de Chemita suivantes.

Après guerre, en l’année sabbatique 1945, la situation économique était particulièrement dégradée et un certain nombre d’agriculteurs juifs manifestèrent leur désir de respecter les lois de la Chemita. Le ‘Hazone-Ich pris alors l’initiative de relancer cette pratique. A cette occasion, il s’investit pour préciser et clarifier les modalités halakhiques de cette pratique[4]. Depuis lors, chaque année sabbatique le nombre d’institutions utilisant le principe du Otsar Beth-Din n’a cessé d’augmenter[5].
 
Quels sont les bénéfices de cette formule ?

Les bénéfices de cette formule sont multiples. En effet, la Tora exige non seulement le repos de la terre pendant la septième année, mais aussi ordonne-elle à chaque propriétaire de renoncer à la propriété de son champ et de son verger. C’est-à-dire que même pour les fruits qui ont poussé naturellement, il n’a pas le droit d’agir comme un propriétaire qui récolte et vend le produit de sa récolte.

Dans le cas de Otsar Beth-Din, le Beth-Din n’est pas considéré comme propriétaire des champs et des fruits placés sous son autorité. Il est seulement le dépositaire des fruits récoltés. De par sa vocation, il agit au nom de la collectivité et dans l’intérêt général. A ce titre, il n’est pas soumis à un grand nombre de restrictions[6] qui touchent les fruits de la septième année :

  • Les fruits de la septième année ne doivent être récoltés qu’au fur et à mesure des besoins de chacun[7] et (selon certains[8]) sans utiliser les outils appropriés.

    Dans le cadre de Otsar Beth-Din, les fruits peuvent être récoltés en une seule fois[9] et de façon habituelle[10].

  • Les fruits de la septième année ne doivent pas faire l’objet de commerce. S’il arrive que la quantité récoltée excède ses besoins propres, il est permis de vendre le surplus en respectant les conditions suivantes[11]. La vente ne doit pas se faire selon le poids ou la mesure mais selon une évaluation approximative[12]. La vente ne doit pas se faire dans un lieu destiné à la vente (comme un magasin). Le produit ne doit pas être emballé que sommairement et pas comme il l’est habituellement dans le cadre d’une vente formelle.

    Dans le cadre de Otsar Beth-Din, le Beth-Din a le droit de percevoir de l’argent pour les fruits qu’il distribue. Car cet argent n’est pas le produit d’une vente mais uniquement une participation aux frais engagés par le Beth-Din pour la récolte et la distribution des fruits.
    Pour cette même raison, il est permis au Beth-Din de distribuer ces fruits (et de percevoir la participation financière) selon leur poids ou leur mesure, dans leur emballage habituel et dans les lieux habituels[13].
    De plus, l’argent perçu n’a pas la sainteté du cheviîth car il n’a pas été donné en contrepartie des fruits de cheviîth mais uniquement comme une participation aux frais[14].

  • Les fruits de la septième année ne peuvent être consommés que jusqu’à une certaine date dite date du biôur. Après cette date, les fruits doivent être abandonnés et rendus Hefker[15] (selon le Rambam ils doivent être détruits[16]).

    Dans le cadre de Otsar Beth-Din, les fruits ne sont pas soumis au biôur tant qu’ils sont dans le domaine du Beth-Din[17]. S’ils sont distribués avant la date du biôur, le récipiendaire doit lui-même en faire le biôur[18]. S’il les a reçu après cette date, ils ne sont plus soumis au biôur[19].

 
Cette formule est-elle acceptable pour le consommateur Méhadrine ?

Comme nous l’avons évoqué, l’initiative de réintroduire la formule du Otsar Beth-Din mentionnée dans cette Tossefta a soulevé un certain nombre de contestations.

Tout d’abord, certains ont remis en cause la fiabilité de ce texte dans la mesure où il n’est nulle part repris ni commenté dans le Talmud[20].

D’autres[21], sans remettre en question sa fiabilité, pensent que cette Tossefta ne doit pas être retenue dans la Halakha car elle n’est pas rapportée par le Rambam[22].

Mais la plupart acceptent le principe de la Tossefta qui parle de distribution. Ils contestent en revanche le fait de faire payer les fruits qui n’y est pas mentionné, même s’il ne s’agit que des frais, car selon eux cela s’assimile à une vente[23].

Pour cette raison, les Rabbanim de la Eida ha’Harédith de Jérusalem tels que le Rav Pin’has Epstein et le Yits’’hak Weiss (Min’hath Yits’hak) étaient de farouches opposants à cette pratique. Mais le Rav Avraham David Horowitz (ancien Dayane de Strasbourg et plus tard éminente autorité de la Eida ha’Harédith) déclare qu’au sein de l’ancienne communauté de Jérusalem (représentée par la Eida ha’Harédith) cette pratique était néanmoins admise pour les Etroguim[24].

D’autres arguments[25] sont opposés à cette pratique ou à son mode d’application[26] et notamment les prix perçus qui sont parfois trop élevés[27].

D’autres enfin pensent que cette formule ne doit être appliquée que dans des conditions exceptionnelles, comme c’était le cas à l’époque du ‘Hazone-Ich. C’est ce qui explique selon eux les nombreuses permissions[28] qu’il a accordé concernant le mode de fonctionnement de l’institution[29]. Mais de nos jours, alors que la situation a grandement changée certaines institutions Otsar Beth-Din continuent à utilser de telles permissions[30]. Pour cette raison, en l’absence d’information, il convient de s’abstenir de consommer les fruits de Otsar Beth-Din.
 
En conclusion

Il ressort de cet exposé que le principe du Otsar Beth-Din est majoritairement accepté par les décisionnaires contemporains. Le débat porte essentiellement sur le niveau de rigueur de ses règles de fonctionnement.

Il est vrai que tous les Otsar Beth-Din ne se ressemblent pas. Il faut admettre que certaines de ces institutions (notamment dans le passé) étaient surtout destinées à éviter (ou à minimiser) la transgression pour le publique en général et que cela se faisait au prix de permissions largement accordées.

Par contre, lorsque l’institution est placée sur l’autorité de Rabbanim de renom, il ne fait pas de doute que ces produits peuvent être consommés sans hésitation par le publique qui consomme laMéhadrine.

De nos jours, parmi les très nombreuses institutions Otsar Beth-Din qui fonctionnent chaque année de Chemita, certaines sont placées sous l’autorité de Rabbanim parmi les plus éminents[31].
 
Est t’il permis de sortir ces fruits en dehors d’Israël ?

La Michna[32] déclare qu’il est interdit de faire sortir hors d’Israël les fruits de la septième année. Les commentateurs divergent sur la raison de cette interdiction.

Selon le Rach de Sants[33], l’interdiction est liée à l’obligation par la Tora de faire le biôur de ces fruits (le moments venu) en Terre Sainte. De laquelle découle l’interdiction de les sortir tant que le biôur n’a pas été fait.

Selon le Raavad[34], il s’agit d’une interdiction rabbinique pour éviter la profanation des fruits en dehors d’Israël par des personnes non averties.

La différence entre ces deux avis est que selon le premier, après avoir fait le biôur en Terre Sainte il est permis de sortir les fruits. Mais selon le deuxième avis, l’interdiction subsiste même après la date du bioûr, par crainte de voir les fruits être profanés hors de Terre Sainte.

Le Ridbaz[35] tranche selon le premier avis. Il déclare que la coutume est largement répandue de permettre de sortir les fruits hors d’Israël après la date du biôur. à ceux qui craignent le risque de profanation des fruits, il répond que le risque de les voir se dégrader par manque d’acheteur en Israël est bien plus grand. Il conditionne, bien sûr, cette permission au fait que les fruits (ou les bouteilles de vin) soient marqués comme étant des fruits de cheviîth afin qu’ils soient traités et respectés en accord avec la sainteté qu’ils portent.

Tout ceci concerne les fruits de la septième année en général. S’agissant des fruits (et des vins) bénéficiant du régime de Otsar Beth-Din, tous s’accordent à dire que tant qu’ils sont la propriété du Beth-Din (avant qu’ils ne soient « distribués »), ils ne sont pas soumis à l’obligation de biôur même lorsque arrive la date[36]. Lorsqu’ils sont distribués après la date, il n’y a plus d’obligation de biôur.

Par contre si quelqu’un a en sa possession à la date du biôur des fruits Otsar Beth-Din, il est tenu d’en faire le biôur[37].

En ce qui nous concerne, les vins portant la mention « Otsar Beth-Din » sous le contrôle d’un Rabbinat digne de confiance[38], sont exportés hors d’Israël (selon la permission qui a été exposée plus haut) seulement après la date du biôur[39]. Ce qui signifie qu’il est nul besoin de se préoccuper de la question du biôur.

Les seules précautions à prendre sont les restrictions qui s’appliquent à tous les produits qui ont la sainteté de Cheviîth comme nous allons l’expliquer au paragraphe suivant.
 
Quelles sont les restrictions applicables à ces produits ?

Les fruits de la septième année ont une sainteté particulière qui impose certaines restrictions quant à leur utilisation.

La règle générale est qu’ils ne doivent pas être gâchés. Ceci inclus que l’on doit en faire l’usage le plus noble et le plus approprié possible, selon la nature du produit.

  • Si le produit est propre à la consommation humaine, il ne doit pas être donné au bétail. Il ne doit pas non plus être utilisé en onction ni pour en faire un cataplasme.
  • Si le produit (fruit ou un légume) est normalement consommé cuit, il ne doit pas être mangé cru.
  • A l’inverse, un si le produit est généralement consommé cru, il ne doit pas être cuit.
  • Il est seulement permis d’écraser les fruits que l’on a l’habitude d’écraser (comme les bananes ou les avocats).
  • Il est seulement permis de presser ou de mixer les fruits que l’on a l’habitude de presser (comme les oranges.) Certains permettent uniquement le pressage des raisins et des olives.
  • Les fruits ne doivent être (cueillis et) consommés que lorsqu’ils arrivent à maturité et pas avant.
  • Les écorces et les épluchures de fruits, tant qu’elles sont comestibles pour un animal doivent être placées dans un ustensile dédié jusqu’à ce qu’elles pourrissent avant de les jeter.
  • Si le produit est normalement destiné à l’alimentation animale (comme le foin), il ne doit pas être utilisé comme combustible de chauffage dans une cheminée.
  • Les produits ne doivent pas être donnés ni partagés avec un non juif.

En ce qui concerne le vin, les restrictions sont les suivantes :

  • Boire tout le contenu de la bouteille et ne rien en jeter.
  • Ne pas le gaspiller en faisant déborder le vin de la coupe.
  • Ne pas l’utiliser pour éteindre la bougie de Havdala.
  • Ne pas l’utiliser pour la seconde coupe du Seder de Pessa’h pour le verser lorsque l’on mentionne les Dix Plaies.
  • Ne pas le faire cuire ni l’utiliser en cuisine.
  • Ne pas l’offrir ni le partager avec un Goy.

Rav Yossef HAOUZI

 


[1] Au début du chapitre 8.

[2] Parachath Behar, chap. 25, verset 7.

[3] Selon la Tora, il est interdit de faire commerce avec les fruits de la septième année (Michna Cheviîth, 7-3 ; Rambam, Hil. Chemita véYovel, 6-1). En cas de vente de fruits de cheviîth (à petite échelle, sans en faire commerce), l’argent de la transaction contracte la sainteté de cheviîth ce qui le soumet à certaines restrictions (Rambam, Ibid., 6-1).
Une autre nouveauté qui fut introduite était que le Beth-Din avait nommé les agriculteurs eux-mêmes, propriétaires des champs, comme représentants du Beth-Din pour effectuer les travaux de récolte et autres. Ils recevaient pour cela les instructions du Beth-Din qui a considéré qu’ils étaient le mieux à même d’assurer convenablement ces travaux.

[4] Il a notamment établi qu’il était permis, dans le cadre du Otsar Beth-Din, de délivrer les fruits selon le poids et la mesure, alors que cela est interdit pour des fruits de cheviîth (Michna, Ibid., 8-3 ; Rambam, Ibid., 6-3).

[5] Il faut noter, qu’au fil des années de Chemita, les règles de fonctionnement du Otsar Beth-Din (et les permissions accordées) ont sensiblement évoluées dans le sens de plus de rigueur. De nos jours, les institutions Otsar Beth-Din placées sous l’autorité de Rabbanim de renom ont adopté des règles de fonctionnement qui répondent à la plupart des réserves exprimées par ceux qui étaient par le passé des détracteurs de cette pratique (voir plus loin au chapitre « Cette formule est-elle acceptable pour le consommateur Méhadrine ? »)

[6] Certains, s’appuyant sur les propos du Rambane (dans son commentaire de la Tossefta) qui parle seulement d’une l’action du Beth-Din dans le but d’éviter la transgression, contestent le fait que cette pratique puisse être utilisée pour contourner des restrictions. Mais, à la vérité, il est incontestable que la préoccupation première d’un Beth-Din doit est d’agir au nom de la collectivité et en ce sens il bénéficie des permissions qui sont mentionnées.

[7] Michna, Ibid., 5-7 ; Rambam, Ibid., 4-24. C’est notamment de cette manière que le propriétaire exprime le renoncement à sa propriété. Mais dans le cadre du Otsar Beth-Din, cela est permis car considéré comme un acte réalisé pour le bien collectif.

[8] Selon Rabbénou Tam (Roch Hachana, 9a) l’obligation de marquer un changement dans le mode de cueillette est dictée par la Tora, alors que selon le Rambane (Commentaire du Rambane sur la Tora, Ibid., 25-5), il s’agit d’une obligation rabbinique. Le Rambam, quant à lui ne mentionne pas cette obligation.

[9] Rambane (Ibid., 25-7), dans son commentaire de la Tossefta.

[10] C’est encore un des points établi par le ‘Hazone Ich qui diffère de ce qui avait été fait en 1910 par le Beth-Din de Jérusalem dirigé par le Rav Haïm Berlin.

[11] De plus, afin d’éviter que l’argent de la transaction ne contracte la sainteté de cheviîth, il faut que la vente se fasse à crédit ou qu’elle se fasse simultanément sur un autre article de façon à considérer que l’argent de la vente ne porte que sur l’autre article et que les fruits de cheviîth ont été cédés gratuitement (Michna Traité Souka, 39a, qui suggère d’inclure l’acquisition du Etrog lors de l’achat du Loulav ; Rambam, Ibid., 8-11).

[12] Michna, Ibid., 8-3 ; Rambam, Ibid., 6-3.

[13] Ces permissions, établies par le ‘Hazone Ich, découlent du fait qu’il ne s’agit pas d’une vente mais d’une distribution. Cependant, de nos jours, un certain nombre d’institutions Otsar Beth-Din de haut niveau, distribuent les fruits emballés sommairement dans des caisses fermées sans que le poids ni la qualité des fruits ne soient partout identiques. Ce qui contribue d’autant plus à faire baisser le prix réclamé. Ces fruits sont distribués dans des endroits dédiés ou livrés à domicile aux personnes ayant versé une participation financière à l’institution.

[14] Il s’agit, comme nous l’avons dit, de la nouveauté (introduite par le Rav Haïm Berlin) qui a rencontré le plus d’opposition

[15] Rambane (Ibid., 25-7), dans son commentaire de la Tossefta. C’est cet avis qui est largement retenu quant à la nature du biôur.
Concernant les modalités, les avis divergent pour savoir si les fruits doivent être sortis au dehors pour les proclamer Hefker et sur le nombre de personnes qui doivent être présents lors de cette déclaration. Mais tous s’accordent sur le fait que le propriétaire peut lui-même acquérir les fruits qu’il a déclaré Hefker (ce qui est généralement le cas).

[16] Rambam, Ibid., 7-3

[17] Rambane (Ibid., 25-7), dans son commentaire de la Tossefta.

[18] Min’hath Chlomo, 51-17

[19] Puisqu’il les a reçus du Beth-Din auprès duquel ils étaient considérés comme Hefker, il n’y a plus lieu de les rendre Hefker à nouveau pour s’acquitter du biôur selon le Rambane.

[20] Le Rav Ménaché Klein (Chout Michné Halakhoth vol. 9-319) repousse catégoriquement cet avis et apporte de nombreuses preuves que ce texte a valeur de Halakha dans la mesure où il n’est contredit par aucune Michna et que, de plus, il rapporte le déroulement de faits.

[21] Rav Ben Tsion Aba Chaoul et d’autres Rabbanim. Selon eux, cette Tossefta ne doit pas être retenue dans la Halakha car elle n’est pas rapportée par le Rambam qui est le décisionnaire par excellence pour ce qui concerne les questions touchant la Terre Sainte. Pour cette même raison, le Rav Mordékhaï Eliyahou pensait qu’il faut éviter de manger ces fruits sauf en cas de nécessité.
Le Rav Ovadia Yossef a dans un temps réfuté cette pratique mais l’a approuvée par la suite, à condition que les prix pratiqués soient calculés au plus juste pour couvrir uniquement les frais engagés.

[22] Plusieurs réponses sont données pour justifier cette omission. L’une d’elle est que ce texte va d’après l’avis selon lequel le biôur s’accomplit en abandonnant les fruits et en les rendant Hefker. Or, le Rambam tranche selon l’autre avis qui impose de détruire tous les fruits lorsque arrive la date du biôur.
Une autre raison est qu’à l’époque, selon les termes de la Tossefta, l’argent était engagé par le Beth-Din (probablement en provenance de la Troumath haLichka issue de la collecte annuelle des Demis Sicles). Or, après la destruction du Temple, cette ressource a cessé, ce qui explique que la pratique a également cessé. De nos jours, la formule Otsar Beth-Din est en fait un peu différente, car basée sur une participation aux frais demandée aux récipiendaires comme nous l’avons vu plus haut.

[23] En effet, l’idée de faire payer les frais de fonctionnement est nouvelle. Or, elle se trouve à la base du concept de Otsar Beth-Din tel qu’il est pratiqué de nos jours. L’une des réponses qui est donnée à cette question est que selon la Halakha (Rama, Choul’hane Aroukh ‘Hochèn Michpath, 163-3), le Beth-Din a pouvoir de prélever auprès de la communauté toute somme qu’il estime nécessaire pour assurer les besoins et le bien-être de la communauté.

[24] Chout Kinyane Tora, 7-83. Voir plus loin à la note 37 à propos des Etroguim.

[25] Citons par exemple cet argument avancé par les opposants : Comment un Beth-Din qui n’est pas local peut-il s’arroger le pouvoir sur des champs situés en dehors de sa juridiction et imposer au publique local de devoir payer des fruits que la Tora a déclaré Hefker ? La réponse à cet argument est qu’en l’absence d’une autorité locale il est du devoir de tout Beth-Din d’organiser le bon fonctionnement de la communauté en accord avec les prescriptions de la Halakha.
Tous s’accordent cependant à dire qu’il est préférable, lorsque cela est possible qu’un Beth-Din local organise le Otsar Beth-Din.

[26] Certains remettent en cause le fait qu’en règle générale, le Beth-Din nomme les agriculteurs eux-mêmes comme leurs représentants. C’est-à-dire qu’ils continuent à s’occuper de leurs champs pendant cette année sabbatique suivant les instructions du Beth-Din. Selon eux, cette situation prête à confusion auprès de la population car elle est en contradiction apparente avec les injonctions de la Tora.
Ce à quoi d’autres répondent que la situation est connue de tous car l’action du Beth-Din a toujours un écho. D’autant plus que l’information est diffusée par la voie de panneaux d’informations.
D’autres remettent en cause le mode de calcul des frais qui inclut le plus souvent les frais d’entretien des champs alors qu’il serait possible d’éviter ces frais et de réduire ainsi le « prix » des fruits, même si cela devait résulter à l’obtention de fruits en faible quantité et de pauvre qualité. D’autant plus que la quantité de fruits produits est souvent bien trop importante en rapport avec la capacité de les écouler dans le circuit des personnes qui respectent les lois de Cheviîth. Ce qui incite certains à devoir écouler leurs fruits dans le circuit traditionnel avec toutes les transgressions que cela engendre.
A cela d’autres leur opposent est qu’il est impossible de prévoir à l’avance la quantité nécessaire à la population globale et que de nos jours un manque de soin apporté aux plantations peut résulter à une perte totale de la récolte. De plus, ils font valoir que selon certains avis il y a une Mitsva de manger des fruits de Cheviîth et donc d’en augmenter le nombre.
Enfin, certains dénoncent la pratique répandue de poster des gardiens pour interdire l’accès aux champs, ce qui est en contradiction avec le commandement de la Tora.
Ce à quoi d’autres répondent qu’il est de la responsabilité du Beth-Din de préserver les fruits dans l’intérêt général en prévenant le vol et le vandalisme. Les gardiens ont néanmoins consigne de laisser libre accès à toute personne qui veut se servir gratuitement dans la limite raisonnable fixée par la Halakha.

[27] En pratique la consigne le plus souvent exigée est que le prix soit inférieur à celui pratiqué pour un produit similaire lors d’une année normale.

[28] Citons par exemple la permission qui fut donnée de nommer à la tête de l’institution des personnes qui étaient loin de répondre aux critères de compétence d’un Dayane. Mais il est vrai que d’un point de vue strict de la Halakha, cela peut trouver une justification (voir Traité Bava Métsiâ, 30b, à propos de celui qui, avant de récupérer un objet perdu, interpelle trois personnes qui sont considérées comme un Beth-Din et pose au préalable ses conditions de rémunération).

[29] L’exemple le plus frappant est la permission qu’il a donnée (avec l’assentiment du Rabbi de Satmar !) lors de la Chemita de l’année 1952 de « vendre » le surplus de fruits du Otsar Beth-Din (qui ne trouvaient pas de preneur dans le circuit de distribution du Otsar Beth-Din et qui étaient inévitablement voués à s’avarier) à la société Tnouva pour qu’ils soient écoulés dans le circuit traditionnel ! Par la suite, le ‘Hazone Ich s’est expliqué en disant qu’il s’agissait d’une directive exceptionnelle dans un contexte particulier.

[30] Par exemple, lors de la Chemita de 1987, cette permission de « revendre » les fruits à la société Tnouva a été reprise par certaines institutions Otsar Beth-Din avec quelques améliorations (comme le marquage des fruits avant leur commercialisation). Les décisionnaires parlent alors d’un Otsar Beth-Din de « Troisième classe » en matière de niveau de Cacherouth.

[31] Tels que le Rav Chmouël Wozner, le Rav Nissim Karelitz et les regrettés Rabbanim Rav Chlomo Zalman Auerbach et Rav Yossef Eliachiv.

[32] Michna Cheviîth, 6-5, rapportée par Rambam, Ibid., 5-13. Voir également Pessa’him 52b qui discute si des fruits qui ont été sortis avant la date du biôur, doivent être ramenés en Israël pour y faire le biôur. Selon de Rabbi Chimon ben Elâzar, il y a obligation de les ramener. Selon ‘Hakhamim (avis retenu par la Halakha), il est possible de faire le biôur sur place.

[33] Le Tossafiste Rav Chimchone de Sens en Bourgogne, dans son commentaire sur la Michna.

[34] Commentaire sur le Torath Cohanim, Parachath Behar 1-9.

[35] Rav Yaacov David ben Zeev Wilowsky, dans son ouvrage de référence Beth Ridvaz, commentaire sur le Péath haChoul’hane 5-18.

[36] Selon les termes du Rambane (Commentaire sur la Tora, Ibid., 25-7), les fruits du Otsar Beth-Din ne requièrent pas de biôur (qu’ils soient abandonnés à tous et rendus Hefker) tant qu’ils sont dans le domaine du Beth-Din car ils y sont déjà Hefker puisque destinés à tous.

[37] Le Rav S. Z. Auerbach (Min’hath Chlomo, 51-17), sans se prononcer sur la permission de sortir les fruits avant la date du biôur émet des doutes sur la nécessité de faire le biôur sur des fruits Otsar Beth-Din en sa possession au moment du biôur.
Il est intéressant de faire remarquer que selon certaines autorités rabbiniques, les fruits sous le régime du Otsar Beth-Din ne sont pas du tout soumis à l’obligation du biôur. Selon eux, ces fruits peuvent donc être exportés avant la date du biôur. Une grande controverse à propos d’Etroguim Otsar Beth-Din opposa en 1965 les Rabbanim du Badats haEida ha’Harédith de Jérusalem et les Rabbanim d’Amérique avec à leur tête le Rabbi de Satmar. Les uns ont autorisé l’export de ces Etroguim et leur utilisation pour la fête, les autres ont catégoriquement interdit d’utiliser ces Etroguim pour lesquels il n’y avait pas de permission de les sortir hors d’Israël.

[38] C’est le cas des vins de marques GAMLA et YARDEN sous le contrôle du Rav Avraham David Auerbach de Tibériade, qui sont exportés en France.

[39] La date du biôur pour le raisin et le vin est fixée par la Halakha au 15 Nissane (Pessa’h) de la huitième année (qui suit l’année de Chemita). En tenant compte du délai d’élaboration du vin (et particulièrement les vins de qualité qui sont élevés en fûts pendant de longues périodes), cela n’a que peu ou pas d’incidence.