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La cacherouth des Soft Drinks

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Question :

Concernant les jus de fruits, les sodas et autres boissons non alcoolisées en tout genre :
Y a-t-il une explication et un fondement halakhique sur le fait, qu’en France, souvent même dans les milieux orthodoxes, ces boissons soient consommées sans aucune garantie rabbinique ?
Suffit-il simplement de vérifier les ingrédients qui sont listés dans leur composition pour garantir leur caractère kacher ?

Réponse :

En effet, cette pratique est largement répandue en France et plus généralement en Europe et dans d’autres pays, à l’exception notable d’Israël et de l’Amérique du Nord (États-Unis et Canada.)

Cet usage repose, semble t’il, sur la politique adoptée de longue date par le Beth-Din de Londres (suivi par celui de Manchester) qui autorise ces produits lorsqu’ils ne contiennent pas d’éléments interdits dans la liste des ingrédients.

Cette autorisation repose bien sûr sur la règle d’annulation dite « bitoul » des ingrédients présents dans un mélange dans une proportion inférieure à 1/60ème.

Cependant, cette position soulève de nombreuses questions :

  1. La Halakha précise que le principe d’annulation d’un ingrédient dans un mélange ne s’applique pas dans le cas d’une substance qui confère un goût[1] ou une couleur[2] au produit final. C’est pourtant bien le cas des différents arômes, colorants et autres ingrédients douteux qui figurent dans la liste des ingrédients qui sont rajoutés pour donner du goût et de la couleur à la boisson. Comment dès lors pourraient ils être annulés[3] ?
  2. Concernant les jus de fruits et les boissons qui contiennent du jus de fruit, se pose la question de l’origine des fruits qui peut être Israël. Surtout lorsqu’il s’agit d’agrumes et de certains fruits exotiques de productions israéliennes qui sont largement exportées.
    En effet, ces fruits sont concernés par l’interdiction de tével[4] et donc soumis à l’obligation des prélèvements (trouma et maâsser) qui sont exigés sur les fruits provenant de la Terre Sainte et qui ne sont généralement pas réalisés ni même exigés pour les produits destinés à l’export.
    A cela s’ajoute les interdictions de orla[5] et révaï[6] pour les fruits des trois premières et de la quatrième année.
    Sans oublier le problème de chevïth[7] sur les fruits de la septième année sabbatique (chemita) lorsqu’il la boisson a été élaborée dans une période proche de cette année là ?
  3. Pour qu’un produit soit considéré comme kacher, il ne suffit pas que tous ses ingrédients le soient. Il faut également s’assurer que les lignes de production qui ont servi à son élaboration n’aient pas été préalablement contaminées par des produits non kacher qui ont utilisé les mêmes outils de production ! L’exemple le plus courant est celui des usines qui produisent sur les mêmes lignes des jus de fruits purs et d’autres additionnés de lait ou du jus de raisin.
    Plus généralement cette règle appelle à questionner :
  4. Si le principe d’annulation s’applique, pourquoi ne pas autoriser les boissons qui contiennent même des ingrédients interdits lorsqu’ils sont présents dans une proportion inférieure à 1/60ème ?
  5. Si cette règle est bien valable, pourquoi ne l’appliquer qu’aux boissons non alcoolisées et pas à tous les produits alimentaires ?

Nous allons, dans ce qui suit, tenter de répondre (dans une certaine mesure) à ces questions. Il s’agit avant tout de plaider en faveur des très nombreuses personnes qui adoptent ce comportement mais aussi d’essayer de dégager des recommandations quant à l’usage de ces boissons.
 

S’agissant du risque concernant les ingrédients :

Typiquement, un arôme est constitué de trois à soixante composants chimiques qui peuvent chacun potentiellement provenir de sources non kacher. Ce qui en fait indiscutablement un ingrédient douteux.

Mais le plus souvent, l’arôme ou le colorant est rajouté pour accentuer le goût et la couleur déjà existants de part la présence de jus de fruit qui lui est naturel et donc kacher.

Dans ce cas, l’arôme ou le colorant douteux ne contribue que pour partie à l’obtention du goût et de la couleur recherchés.
Il est alors possible d’appliquer la règle[8] qui permet (à posteriori) la présence dans un mélange (en quantité infime) d’ingrédients interdits lorsque l’effet de leur action sur le mélange est partagé avec celui d’autres ingrédients qui sont kacher[9].
 

S’agissant du risque de l’utilisation de fruits d’Israël :

Examinons un à un les problèmes soulevés en cas de jus de fruit provenant de la Terre Sainte. Nous allons successivement traiter les questions de orla/révaï, tével et cheviîth.

  • La question de orla/révaï (fruits interdits pendant les trois premières et la quatrième année) peut trouver une réponse en s’appuyant sur la règle qui affirme que lorsqu’un aliment est pris au hasard, en provenance d’une source inconnue qui peut être permise ou interdite, les lois de probabilités s’appliquent[10]. Si les sources d’approvisionnement permises sont numériquement plus importantes que celles qui sont interdites, l’aliment est déclaré permis car provenant d’une source permise[11].
    Dans notre cas, il est clair que les différentes sources d’approvisionnement, c’est à dire, les différents pays exportateurs de jus de fruit sont bien plus nombreux que le seul pays d’Israël.
    Le problème est qu’il n’est pas admis par tous les décisionnaires que cette règle s’applique dans ce cas[12].
  • La question de tevel imposerait de faire les prélèvements requis (trouma et maasser) sur le jus de fruit (ou la boisson) avant de le consommer.
    Cette question a en fait déjà été tranchée par la majorité des décisionnaires (dont le Choul’hane Aroukh et le Rambam) dans le sens qu’il n’y a pas d’obligation à faire les prélèvements lorsque les fruits sont sortis en dehors de la Terre Sainte[13].
    Mais, là encore, le problème est que le consensus parmi les derniers décisionnaires ainsi que la coutume aujourd’hui répandue, aillent dans le sens qu’il faille bien faire ces prélèvements[14].
  • La question de cheviîth, lorsque le jus a été élaboré à proximité de l’année de chemita, pose un sérieux problème.
    Mais la majorité des décisionnaires pensent que de nos jours la chemita est seulement une obligation rabbinique[15]. Selon eux il serait donc possible d’appliquer la règle qui veut que le doute concernant une obligation rabbinique doive faire pencher vers la permission[16].
    A cela on peut rajouter la permission[17], certes non admise par un grand nombre, qui consiste à ce que, chaque sept ans, le Rabbinat d’Israël contourne le problème de chemita en vendant la terre à des non juifs[18].

Il est bien clair que la plupart des permissions qui sont évoquées dans ce cadre ne peuvent s’appliquer que lorsque l’origine de ces jus de fruits est totalement inconnue.
Lorsqu’à l’inverse, leur origine est reconnue ou présumée provenant d’Israël, il y a lieu de faire les prélèvements requis (comme pour les fruits importés d’Israël) avant de les consommer et de s’abstenir de les consommer s’il y a un doute en rapport avec la proximité de l’année de chemita !
 

S’agissant du risque de contamination lié aux lignes de fabrication :

Précisons, avant tout, que ce risque concerne essentiellement les jus de fruits (ou mélanges de jus de fruits) car ils subissent toujours un traitement thermique (pasteurisation[19]) avant leur conditionnement (mise en bouteille.)

Par contre, la plupart des boissons (plates ou gazeuses) préparées à base d’eau et contenant du jus de fruit (ou d’autres agents aromatiques) sont élaborées à froid ou à température ambiante et ne subissent aucun traitement thermique[20]; elles ne sont donc pas concernées par ce risque[21].

Pour les jus de fruits concernés, il existe deux types de traitement thermique :

  • Le premier est la pasteurisation qui consiste à chauffer le jus à une température de 65° à 88°C pendant un temps allant de 30 minutes à 15 secondes, le temps de pasteurisation étant d’autant plus court que la température atteinte est élevée.
  • Le second, dit procédé UHT (initiales de Upérisation à Haute Température), porte le produit à une température très élevée (140  à 150°C) pendant 2 à 5 secondes puis le refroidit tout aussi rapidement.

L’avantage de cette dernière méthode est qu’une fois en bouteille, le jus n’a pas besoin d’être conservé au frais. Ce qui n’est pas le cas des autres jus pasteurisés qui doivent être conservés au frais mais offrent généralement une meilleure qualité gustative.

En ce qui nous concerne, la différence entre ces deux procédés a une incidence en matière de cacherouth.

En effet, dans l’immense majorité des cas, les industriels veillent à prévenir la contamination entre les jus de fruits purs et ceux additionnés d’autres ingrédients comme le lait (qui est considéré comme allergène, donc nocif pour les personnes allergiques.) De même, ils tiennent généralement à ne pas mélanger les goûts entre les différentes variétés de jus (qui peuvent être du jus de raisin ou un mélange contenant du jus de raisin.) Pour cela, un cycle de lavage est systématiquement lancé entre chaque variété de produit.

Or, ce cycle de lavage, qui est fait dans les mêmes conditions de température que celles appliquées aux jus, peut jouer le rôle de kachérisation[22] de la ligne de fabrication et ainsi éviter la contamination des jus potentiellement kacher et ceux contenant du lait, du jus de raisin ou tout autre ingrédient problématique.

Il est clair et admis par tous que la stérilisation de la ligne par le procédé UHT constitue une bonne kachérisation (hagâla.) Par contre, lorsqu’il s’agit d’une pasteurisation à des températures inférieures à 100°C, les avis sont partagés parmi les décisionnaires[23] pour la considérer comme une kachérisation adéquate.
 

En conclusion :

Il ressort de cet exposé que les tenants de cette opinion ne peuvent être montrés du doigt car il existe bien certaines justifications halakhiques à cette position.

Certes, il ne s’agit pas d’une position « laméhadrine », mais il semble que cela soit la conséquence directe du nombre très restreint de boissons certifiées ou garanties kacher qui sont disponibles dans ces pays.

Il faut espérer une évolution de cette situation qui ne se fera qu’avec un accroissement significatif de l’offre en produits labellisés kacher, certifiés ou même seulement vérifiés et garantis kacher.

Pour l’anecdote, signalons qu’à mi-chemin entre Israël et l’Amérique du Nord d’un côté et l’Europe de l’autre, se trouve l’Australie qui constitue un cas d’espèce en la matière.
En effet, les deux grandes communautés de ce continent qui sont celles de Melbourne et Sidney ont adopté à ce sujet une position radicalement opposée.
Les autorités rabbiniques de Melbourne ont depuis des décennies toujours exigé de ne consommer que des boissons qui sont certifiées kacher. Les rabbanim de Sidney ont, quant à eux, depuis longtemps adopté la position du London Beth Din.

La question souvent posée par les Melbourniens est de savoir s’il leur est permis, lors d’un séjour à Sidney et afin de ne pas se singulariser, de partager un verre avec leurs coreligionnaires de Sidney ?
 

Recommandations préconisées pour l’usage de ces boissons :

A la lumière des points qui ont été développés précédemment, nous pouvons dégager les recommandations suivantes :

  • Tout d’abord, savoir reconnaître les ingrédients interdits pour écarter les boissons qui en contiennent. Voici la liste des plus fréquents. Pour les autres il faut consulter ou vérifier sur les listes de cacherouth :
    • Jus de raisin ou mention « jus de fruits » qui peut contenir du jus de raisin
    • Mention « sucre de fruits » qui peut être du sucre de raisin
    • Lait et tout produit laitier ou dérivé (lactosérum, etc.)
    • E120, colorant rouge cochenille ou acide carminique, extrait d’insectes
    • E163, colorant anthocyane, extrait de peau de raisin
    • E422, glycérine ou glycérol, souvent à base de graisses animales
    • E471 à E479, émulsifiants, souvent à base de graisses animales
    • Acides aminés, reconnaissables à leur suffixe en -amine ou -ine (ex. taurine), souvent d’origine animale
  • Éviter les boissons qui contiennent des arômes lorsqu’elles ne contiennent pas de jus de fruit ou un autre ingrédient kacher qui contribue à l’obtention de ce même arôme.
    Par exemple, préférer le Ice Tea Pêche qui contient du véritable jus de pêche en plus d’un arôme pêche, à un autre thé glacé aromatisé à la pêche uniquement grâce à un arôme pêche qui est potentiellement problématique.
    Autre exemple : le Fanta orange qui contient du jus d’orange est toléré malgré la présence d’arôme.
    Par contre les eaux minérales aromatisées[24] ou les boissons qui n’acquièrent leur goût qu’à l’aide d’arômes sont à éviter[25], à moins d’avoir été vérifiées par une autorité rabbinique compétente.
  • La même règle s’applique pour les colorants :
    Les colorants verts E140 et E141 (chlorophylles) et orange E160a (bêta carotène) sont potentiellement problématiques.
    Éviter donc les boissons qui contiennent ces colorants lorsqu’elles ne contiennent pas aussi des jus de fruits qui apportent cette même couleur à la boisson.
    Par exemple, le Fanta orange contient du bêta carotène mais aussi 10% de jus d’orange, ce qui en fait un produit toléré.
  • La même règle s’applique pour les stabilisants :
    Le stabilisant E445 (ester glycérique de résines de bois) est potentiellement problématique car il est à base de glycérine pouvant être dérivée de graisse animale.
    Éviter donc les boissons qui contiennent ce E445 lorsqu’elles ne contiennent pas aussi un autre stabilisant.
    Par exemple, le Fanta citron frappé[26] contient du E445 mais aussi du E414 (gomme arabique) parfaitement kacher, ce qui en fait un produit toléré.
  • La même règle s’applique pour les acidifiants :
    L’acide tartrique E334 fait l’objet d’une controverse[27] parmi les décisionnaires car il est généralement fabriqué en utilisant les déchets de l’industrie vinicole.
    Éviter donc les boissons qui contiennent cet acide tartrique en tant qu’acidifiant lorsqu’elles ne contiennent pas aussi un autre acidifiant.
    Par exemple, le Coca Cola Light Lemon contient de l’acide tartrique mais aussi trois autres acidifiants (acide phosphorique, citrate de sodium et acide citrique) parfaitement kacher, ce qui en fait un produit toléré[28].
  • En période de chemita (année sabbatique de repos de la terre en Israël), éviter absolument les marques de jus de fruits ou de boissons à base de jus de fruits lorsqu’elles sont reconnues ou suspectées d’utiliser des jus en provenance d’Israël.
    Hors période de chemita, faire les prélèvements et rachats requis (cliquer ici pour connaître la procédure) avant de consommer.
  • Pour les jus de fruits et notamment les jus d’agrumes, préférer ceux dont l’origine des fruits est clairement indiquée. Par exemple, jus d’orange de Floride ou du Brésil, jus de citron de Sicile, etc.
    Certains jus de fruits tropicaux tels que le jus d’ananas, etc. proviennent généralement de productions locales et ne posent pas de problème.
  • Préférer les jus de fruits conditionnés en emballage aseptique (qui ne requièrent pas une conservation au frais) aux jus de fruits pasteurisés qui sont vendus en rayon frais.

Rav Yossef HAOUZI

 


[1] Règle du « milta déAvida léTaâma », Rama Y.D. 98-8, applicable même lorsqu’il s’agit d’un interdit rabbinique (Chakh et Taz sur place.) Voir Ch.A. Ad. Haz. 513-7 kountress ha’harone 4.

[2] Règle du « ‘hazouta ». Voir Encyclopédie Talmudique vol.13, p.439, qui rapporte les avis de ceux qui pensent que la couleur a le même statut que le goût concernant les règles d’annulation.

[3] Il en est de même pour les acidulants (qui donnent un goût acide au produit) ou les stabilisants et émulsifiants qui ont un statut de maâmid puisqu’ils permettent d’obtenir et maintenir l’aspect homogène d’un produit. Par contre, les conservateurs, antioxydants et autres agents qui combattent l’action du temps et préviennent la dégradation du produit, ne sont pas considérés comme maâmid (Chout Maharach Engel vol. 2-1 et vol. 7-123.)

[4] Interdiction de consommer les fruits d’Israël avant d’effectuer les divers prélèvements requis. Une partie de ce qui sera prélevé est interdit à la consommation (trouma et troumath-maâsser), une autre reste permise (maâsserrichone) et une dernière (maâsser-chéni et éventuellement nétâ-révaï) doit faire l’objet d’un rachat selon une procédure spécifique. Voir Choul’hane Aroukh Y.D. 294-1. Pour plus d’information sur l’ensemble de la procédure cliquez ici.

[5] Fruits de l’arbre produits durant les trois premières années à partir de la plantation, qui sont interdits à la consommation et à tout autre forme de profit. Voir Choul’hane Aroukh Y.D. 294-1.
Cette interdiction, même si elle vise également les fruits produits hors d’Israël, ne concerne dans notre cas que les fruits de Terre Sainte. Car pour les fruits hors d’Israël, lorsqu’il y a un doute si le fruit est orla, ce qui est généralement le cas, la loi le permet ! C’est la règle du « safek orla bé’Houts laArets moutar » (ibid. 294-9).

[6] Fruits de l’arbre produits durant la quatrième année après la plantation, qui doivent être rachetés avant d’être consommés, à l’instar des fruits prélevés au titre du maâsser-chéni. Voir Choul’hane Aroukh Y.D. 294-6.

Concernant les fruits produits hors d’Israël, il existe une controverse parmi les décisionnaires s’ils sont visés par cette obligation de rachat la quatrième année (ibid. 294-7).

[7] Les fruits de l’arbre qui ont poussés pendant la septième année ne sont pas interdits à la consommation mais sont soumis à certaines restrictions liées au repos obligatoire de la terre en cette année sabbatique :
– Interdiction d’effectuer sur les arbres tout travail de soin ou traitement (Rambam Hil. Chmita véYovel chap. 1). Selon certains, si cela n’est pas respecté, les fruits deviennent interdits à la consommation selon la Tora.
– Obligation de laisser accès aux vergers libre à tous (Ibid. 4-24). Selon certains, si cela n’est pas respecté, les fruits deviennent interdits à la consommation à titre de sanction rabbinique.
– Interdiction de consommer les fruits que l’on a chez soi à partir d’une certaine date (dite date du biôur), avant d’avoir effectivement fait cette procédure de biôur qui consiste à les sortir de chez soi et en donner libre accès à tous. (Ibid. chap. 7).

Ces fruits ont en outre une sainteté particulière qui se traduit par d’autres restrictions :
– Interdiction d’en faire du commerce (Ibid. chap. 6).
– Interdiction de les donner à un non juif (Ibid. 5-13).
– Limitation dans la façon de les consommer : ne pas en gaspiller, ne pas en nourrir les animaux, ne pas jeter les épluchures dans la poubelle, etc. (Ibid. chap. 5).
– Interdiction de les faire sortir en dehors de la Terre Sainte (Ibid. 5-13).

[8] Règle dite du « zé véZé gorèm ». Voir Choul’han Aroukh Y.D. 87-11, Ch.A. Ad. Haz. 442-11 et 445-10. Cette règle reste applicable même dans notre cas (taâma), Michna Orla 2-15, rapporté au nom du Beth Yossef par le Taz O.H. 318-15.

[9] Il est vrai que si l’on en vient à appliquer ce principe il serait alors possible d’autoriser la présence d’ingrédients complètement interdits et non pas seulement douteux, dès lors que l’effet de leur action sur le mélange est partagé avec celui d’autres ingrédients kacher !
Pourquoi ne pas permettre la présence du colorant rouge E120 (rouge de cochenille à base d’insectes) dans une boisson qui contient du jus de grenade naturellement rouge ?
Une réponse à la question pourrait être que, selon la Halakha, l’application de cette règle est limitée aux cas où l’élément interdit ne peut à lui seul obtenir l’effet souhaité sur le produit final sans le concours de l’élément permis. Dans le cas de l’exemple précédent, il faudrait être assuré que le colorant rouge interdit ne peut pas à lui seul obtenir la couleur rouge souhaitée dans la boisson sans la couleur rouge apportée par le jus de grenade. Or, cela est difficile à garantir !

Une autre raison pour limiter le champ d’application de cette règle est que la présence d’ingrédients clairement interdits dans un produit pose un autre problème. En effet, selon certains avis, l’utilisation délibérée dans un produit d’un ingrédient interdit, même s’il s’y trouve en quantité infime et qu’il ne confère donc aucun goût au produit, rend ce produit interdit à la consommation !
Selon eux, la règle d’annulation du 1/60ème n’est applicable que lorsque l’ingrédient interdit a été introduit dans le mélange par inadvertance. Car dans le cas contraire, le fait de l’avoir introduit intentionnellement prouve qu’il est souhaité et nécessaire dans le produit final et ne peut donc être annulé puisqu’il est normal qu’il s’y trouve. C’est la règle dite du « derekh âssiato. » (Voir Choul’hane Aroukh Y.D. 134-13 et Beth Yossef au nom du Rachba, approuvé par l’Admour haZakèn 442-6, kountress ha’harone 5 et désapprouvé par le Noda Biyouda rapporté par le Pit’hei Techouva 134-5.)

Notons que fort heureusement, selon tous les avis cette règle ne s’applique pas aux auxiliaires technologiques (anti-mousse, floculants, etc.) éventuellement utilisés dans l’élaboration d’un produit et qui peuvent être non kacher (or, ils doivent pas légalement figurer dans la liste des ingrédients !) En conséquence, même s’il devait en subsister des traces dans le produit final, le produit reste permis car ce résidu n’est pas souhaité. (Voir Chout Tsema’h Tsedek Y.D. 67.)
Par contre, les vitamines qui sont parfois rajoutées à certaines eaux, même si elles ne sont présentes qu’en faible proportion et qu’elles ne confèrent aucun goût à la boisson, peuvent poser problème en vertu de cette règle du derekh âssiato. Elles doivent donc être vérifiées pour s’assurer quelles sont bien kacher !
Ce qui vient d’être dit constitue aussi la réponse à la question N°4 posée plus haut.

[10] C’est la règle qui s’énonce : « kol déParich méRouba parich ». Voir Choul’hane Aroukh Y.D. 110-3, Ch. A. Ad. haZakèn 439-1, 453-18, 513-9.

[11] En fait, cette règle à elle seule, si elle est bien applicable, pourrait régler les différentes questions liées au risque de jus de fruits en provenance d’Israël ! Voir Chout ‘Helkath Yaacov Y.D. 183-3.

[12] Car en effet, cette règle ne s’applique pas dans un cas une situation dite kavouâ. Pour un développement complet de cette question cliquez ici.

[13] Rambam (Hil. Troumoth 1-22) repris par le Choul’hane Aroukh (Y.D. 331-12) et le Baïth ‘Hadach qui, tout deux, interprètent les propos du Rambam au sens littéral (voir Kessef Michné). Le Rama et tous les commentateurs ne semblent pas diverger de la position du Choul’hane Aroukh.
Voir également Chout Min’hat Its’hak (1-84), et Chout ‘Helkath Yaacov (Y.D. 182) qui rapportent plusieurs raisons de permettre les fruits destinés à l’exportation. Il faut rajouter que dans notre cas il existe un safek (doute) supplémentaire puisque l’origine du jus de fruit n’est pas clairement établie.

[14] ‘Hazone Ich (Dmaï 15-4), Chout Igueroth Moché (Y.D. 3-127), etc. Suivant l’avis du Raavad et celui du Michné leMelekh et du Radbaz dans leur interprétation des propos du Rambam. Le Min’hath Its’hak et le ‘Helkath Yaacov précités sont aussi d’avis qu’il est préférable de faire les prélèvements (lorsque l’origine des fruits est clairement établie en provenance d’Israël.)

[15] Rambam (Hil. Chemita véYovel 10-9), Beth Yossef (commentaire sur le Tour Y.D. 331 au début, changeant ainsi la position qu’il tenait dans le Kessef Michné, commentaire sur le Rambam), etc. Voir Chout ‘Helkath Yaacov (Y.D. 185-9) qui rapporte que la majorité des autorités (Richonime et A’haronime) sont de cet avis.

[16] Voir Chout ‘Helkath Yaacov (Y.D. 185-9) qui, en vertu de ce principe de doute – safek deRabanane leKoula, tend à permettre l’utilisation d’un Etrog de cheviîth. Le doute étant de savoir si l’on va ou non selon l’avis de ceux qui pensent que lorsque le repos de la terre n’a pas été respecté, les fruits sont interdits. A plus forte raison dans notre cas, lorsqu’il y a en plus un doute s’il s’agit de fruit de cheviîth.

[17] Le principe de cette permission dite héter mékhira consiste à vendre la terre dans son ensemble à un non juif avant le commencement de la septième année. Elle se base sur la majorité des décisionnaires (et la coutume qui a toujours prévalue) qui pensent que les fruits d’un champs appartenant à un non juif n’ont plus le statut de cheviîth (certains pensent même qu’il faut faire les prélèvements sur ces fruits, comme lors d’une année normale.)
D’autres dénoncent cette permission qui n’a, à leurs yeux, aucune valeur car à l’échelle où elle est pratiquée, elle apparaît totalement fictive et donc nulle. De plus, la vente de terre en Israël à un non juif est interdite par la Tora, ce qui annule la vente générale qui est pratiquée sur toute la terre sans l’assentiment des propriétaires en vertu du principe èn chalia’h liDvar avéra (une transgression ne peut être commise au nom d’autrui).
Le ‘Hazone Ich (Cheviîth 10-6) qui compte parmi les plus grands détracteurs de cette pratique, admet cependant que lorsque la vente est faite directement par le propriétaire, les fruits sont permis, malgré la transgression concernant la vente.
Le Rabbi, même s’il a toujours encouragé le strict respect des interdictions de cheviîth a néanmoins considéré que cette vente permettait d’éviter ou de réduire la transgression de nombreux juifs (Igueroth Kodech vol. 4, pp. 154, 447, 448; vol.18, p. 253; vol. 15, pp. 289, 297).

[18] Car même si l’on n’adhère pas au principe de cette vente, il n’en reste pas moins que ceux qui y adhèrent n’ont pas lieu d’être sanctionnés du fait qu’ils ont travaillé la terre, car à leur sens ils étaient couverts par cette permission. Il n’y a donc pas lieu d’interdire les fruits pour cette raison.
Voir Min’hath Chlomo vol. 1-44, qui affirme que de nos jours la coutume est de permettre les fruits de cheviîth même lorsque les interdits (de travailler l’arbre et d’en laisser libre accès à tous) n’ont pas été respectés. Il démontre de plus, que si les fruits ont bénéficié du héter mékhira, il est parfaitement permis de les acheter même pour celui qui n’accepte pas la permission du héter mékhira.
Voir également Chout Igueroth Moché O.H. vol. 1-186, au sujet d’un Etrog de cheviîth, qui parvient à la même conclusion (pour les mêmes raisons) et permet son utilisation pour la fête.

[19] Ce qui permet de les conserver (au frais) sans recourir à l’ajout d’un conservateur.

[20] Ce qui explique l’usage fréquent de conservateurs dans ce type de boissons.

[21] Ici se trouve probablement la réponse à la question 5 posée plus haut. C’est-à-dire l’absence, pour ce type de boissons, de tout risque autre que les ingrédients eux-mêmes. Car l’élaboration de ces boissons se fait le plus souvent à froid et que, dans le cas contraire, il y a systématiquement un cycle de lavage entre chaque produit.
A cela il faut ajouter que puisqu’il s’agit d’un produit sous forme liquide, la règle d’annulation du 1/60ème s’applique sans être altérée par la règle dite de « ‘hanane ». Voir Choul’hane Aroukh Y.D. 92-4 Rama, Taz 15, Chakh 14.
Il faut noter que les boissons alcoolisées ne sont pas concernées par cet usage. D’une part, du fait de leur statut de produit ‘harif (fort, âcre) et d’autre part du fait que, le plus souvent, les législations en vigueur n’imposent pas la déclaration de tous les ingrédients.

[22] Cela suppose que ces cycles de lavage se font avec des produits détergents qui ont par nature un mauvais goût (pagoum.) Car autrement la kachérisation ne serait pas valable puisqu’il n’y aurait pas le délai de repos de 24 heures avant la kachérisation comme prescrit par la Halakha (Voir Choul’hane Aroukh Ad. haZakèn 452-20). Il n’est pas certain que cela soit toujours le cas !

[23] Si l’on considère que l’eau (ou la vapeur) qui circule dans la double enveloppe des tubes du pasteurisateur donne à cet outil un statut de kli richone (voir Darkei Techouva 121-16), la kachérisation doit se faire comme pour un kli richone :
Selon certains avis (voir Nitei Gavriel Pessah vol. 3 p. 394), une telle kachérisation peut se faire à la même température que celle d’utilisation habituelle.
D’autres pensent même qu’il suffit de kachériser à une température de yad solédeth bo (43° à 50°C), même si la température d’utilisation habituelle est bien supérieure (Voir Pri Mégadim O.H. 451 M.Z. 9).
Mais selon l’Admour haZakèn (452-3, 451-14), la kachérisation d’un kli richone ne peut se faire qu’à l’eau bouillante à température proche de 100°C !

[24] Avec l’exception notable des eaux aromatisées de la marque Perrier qui sont certifiées kacher par le OK.

[25] Le Coca Cola rentre dans cette catégorie, bien qu’il soit accepté kacher dans (presque) toutes les communautés du monde ! Signalons le cas d’Israël où les produits Coca Cola sont certifiés par le rav Landau de Bnei-Braq, mais selon son témoignage cela ne garantit en rien les produits provenant des autres usines du groupe.

[26] Dans le cas du Fanta et des autres produits de la firme Coca Cola, il a été déclaré puis vérifié avec documents à l’appui que le E445 qu’ils utilisent est certifié kacher.

[27] Voir à propos des résidus vinicoles (tartre) le Choul’hane Aroukh Y.D. 123-16 et les différents avis rapportés par le Darkei Techouva 123-53 et 54. Pour l’acide tartrique (qui a subit plusieurs traitements et transformations) il y a davantage de raisons pour le permettre et de décisionnaires qui l’autorisent.

[28] Voir plus haut à la note 20.